JÉRUSALEM, sous l’emprise des sionistes israéliens et de leurs amis
Responsable du « Comité de Vigilance pour une Paix réelle au Proche Orient », Maurice Buttin est particulièrement bien placé pour nous aider à réfléchir sur la situation présente.
« Ne sois pas surpris quand tu vois le pauvre écrasé par l’injustice, quand les gens ne respectent ni les lois, ni la justice dans le pays. En effet, au-dessus d’un fonctionnaire important, il y a un chef plus important que lui, qui le protège, et tous les deux sont protégés par des chefs plus importants encore ». (Ecclésiaste 5.7 – Trad. Parole de Vie).
Le lundi 14 mai 2018, à Gaza, 60 personnes ont été tuées et 2771 blessées, au milieu des masses de gens qui marchaient désarmés vers leurs villages qu’ils avaient été contraints de quitter. Ils ont été tués de sang-froid. Ils ne menaçaient personne. Au même moment, l’ambassade américaine était transférée à Jérusalem, en violation du droit international. Le transgresseur est la grande puissance qui devrait inviter les autres à respecter le droit international (NDLR : souligné par moi)
Tel est le début de l’exhortation à la communauté internationale le 15 mai dernier, d’une « Déclaration sur Gaza et Jérusalem », de Kairos-Palestine (1), à l’occasion du rappel du 70ème anniversaire de la Nakba (la catastrophe) pour le peuple palestinien, en grande partie chassé, expulsé, de son pays, catastrophe qui a marqué le début de la défiguration de la Terre sainte, en terre de guerre et de mort.
Bref rappel des faits de l’invasion-colonisation de la Palestine par les juifs sionistes
1897. A Bâle : premier Congrès sioniste mondial sous la présidence de Theodore Herzl. Proclamation de la Charte : « Le sionisme vise à établir pour le peuple juif un foyer national, reconnu publiquement et légalement, en Palestine ».
1917 (20 ans après). Reconnaissance internationale par la « déclaration Balfour », confirmée à San Remo, lors du partage du Proche-Orient entre Français et Anglais (trahison du monde arabe), reprise dans les termes mêmes du mandat sur la Palestine confié à la Grande-Bretagne en 1922 (2ème trahison du monde arabe).
1947 (50 ans après). Partage inique de la Palestine : un Etat juif (54 %) - un Etat arabe (44 %), Jérusalem, et les Lieux saints, devant rester sous contrôle de l’ONU, en tant que corpus separatum. Mai 1948 : proclamation de l’Etat d‘Israël. Guerre israélo-arabe : les Israéliens occupent in fine 78 % du territoire du mandat britannique, dont Jérusalem-Ouest, proclamée capitale d’Israël en 1950. En un plan bien organisé, le plan Daleth, 700 000 Palestiniens sont expulsés (nettoyage ethnique) et 530 de leurs villages détruits. Conquérir Eretz Israël (la Terre d’Israël), la vider de sa population indigène, va être une constante de l’entreprise sioniste, jusqu’à aujourd’hui, y compris à Jérusalem.
De son côté, la Transjordanie, devenue Jordanie, annexe la Cisjordanie et Jérusalem-Est en 1949. La ville est donc coupée en deux. En 1962, un mur est même construit sur la « ligne verte ».
1967 (70 ans après). La Palestine est totalement occupée, dont Jérusalem-Est.
La guerre des Six jours a modifié radicalement la situation. Jérusalem voit sa superficie portée de 21 km² à plus de 100 km², par l’annexion illégale des quartiers Est et des terres de 28 villages palestiniens. Par la suite, les gouvernements de droite, de gauche ou d’extrême droite ne cesseront d’accroître la population juive et la superficie de la ville. Mais, contrairement à 1948, la majorité des habitants arabes (70 000 à l’époque) ne quittent pas Jérusalem-Est.
Les Israéliens découvrent les destructions et profanations des lieux saints juifs, pendant la période jordanienne. De leur côté, les Palestiniens ne peuvent que constater la destruction immédiate du « quartier des Maghrébins », fondé au XIIème siècle, proche du Mur des Lamentations. Par ailleurs, 3000 réfugiés arabes, qui s’étaient installés dans le quartier juif après 1948 sont expulsés manu militari !
Rapidement, une résistance souterraine se met en place contre l’occupant israélien, dont un fort développement de la natalité ! Quelques années après, la municipalité de Jérusalem « réunifiée » se réduit de facto à l’ancienne équipe municipale de Jérusalem-Ouest. Lors des élections municipales d’octobre 1969, aucun Palestinien ne se porte candidat et les habitants de Jérusalem-Est respectent massivement les appels au boycott.
L’arrivée de la droite
au pouvoir
L’élection de Menahem Begin en 1977 marque un tournant : il est favorable à la colonisation des territoires occupés, y compris à Jérusalem-Est. Le rêve d’une réunification authentique s’est définitivement évanoui, laissant place aux projets de colonisation, dans une logique de confrontation avec les Palestiniens. Un comble ! Dès 1978, une nouvelle association, Ateret Cohanim, milite explicitement pour la reconstruction du troisième Temple et pour la « reconquête » de la vieille ville, maison par maison. Dans ce contexte de grande tension, la Knesset (le parlement israélien) n’hésite pas à voter, le 30 juillet 1980, une loi fondamentale proclamant « Jérusalem capitale éternelle et indivisible d’Israël » !
La colonisation de la ville a deux conséquences : à une dizaine de kilomètres du centre-ville, une ceinture de colonies est créée (Efrat, Gilo, Har Homa, Maale Adoumim, Bet El, Psagot...) pour encercler les quartiers palestiniens de Jérusalem-Est et empêcher leur développement. Ainsi, la magnifique colline d’Abu-Ghneim, située près de la route de Bethléem, d’abord déclarée « zone verte protégée » en 1969, et transformée en « zone résidentielle » en 1996 pour y construire la colonie de Har Homa, qui compte aujourd’hui près de 15 000 habitants.
Mais, la colonisation se développe aussi dans la vieille ville. En décembre 1987, au moment même du déclenchement de la première intifada, Ariel Sharon s’installe dans la rue Al-Wad, artère centrale du quartier musulman, témoignant ainsi de l’appui du gouvernement au projet des colons.
Les affrontements armés se multiplient dans les rues de Jérusalem. Les attentats palestiniens sont suivis par une répression toujours plus brutale de l’armée israélienne. Le 8 octobre 1990, 20 Palestiniens sont tués sur l’Esplanade des Mosquées. En septembre 1996, le percement d’un tunnel archéologique sous le quartier musulman déclenche des émeutes, causant la mort de 74 Palestiniens et de 16 soldats israéliens. En septembre 2000, la provocante visite d’Ariel Sharon sur l’esplanade déclenche la seconde Intifada. Le nom qui lui est attribuée, « intifada Alaksa », montre que Jérusalem et ses lieux saints sont désormais au cœur de l’affrontement israélo-palestinien.
Il y a lieu de relever que les fameux « Accord d’Oslo », en 1993, si contestables, avaient mis de côté les questions les plus importantes, dont le statut futur de Jérusalem…
La ville est dès lors, plus que jamais, coupée en deux : les 300 000 habitants palestiniens de Jérusalem-Est (40 % de la population) ne participent ni aux scrutins locaux ni aux scrutins nationaux et moins de 15 % du budget municipal leur est consacré. Il suffit de se promener dans les rues pour comprendre que la frontière entre Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest reste profondément ancrée dans les esprits et dans les habitudes de ses habitants. Au surplus, l’abandon du développement, voire du nettoyage, de la partie arabe de la ville, est manifeste.
Pourtant, la population palestinienne a été multipliée par 4 depuis 1967, tandis que la population israélienne n’a été multipliée que par 2,5… Pareils chiffres inquiètent les Israéliens, qui vont créer, pour les Palestiniens de Jérusalem-Est, le statut de « résident permanent », un statut révocable, traitant ainsi ceux-ci d’immigrés dans leur propre pays ! Dès lors, va pouvoir se mettre en place, un système de transfert silencieux, dans la droite ligne de l’idéologie sioniste, comme on l’a vu, à grande échelle, en 1948/49 et en 1967.
Jérusalem-Est, occupée depuis 1967, voit depuis cette date, dans son nouveau périmètre, un développement permanent de construction de colonies, aujourd’hui au nombre de 15 et regroupant 215 000 colons. Pour relier celles-ci à Jérusalem-Ouest la municipalité a décidé la création de lignes de tramway, en violation flagrante du droit international. (Un rapport publié par huit organisations françaises, dont la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, a dénoncé la participation de trois entreprises françaises – dont l’Etat français est actionnaire de deux –impliquées dans la construction et l’exploitation de ce réseau de tramway (Alstom, Systra et Egis)…).
Le gouvernement israélien a encore donné, au printemps 2018, son feu vert à un projet de téléphérique, long de 1,4 km, partant de la partie ouest de Jérusalem pour rejoindre le Mont des Oliviers à Jérusalem-Est, puis la porte des Immondices, à l’entrée de la Vieille ville, porte la plus proche du mur des Lamentations. Tout cet ouvrage, en partie en secteur palestinien occupé et annexé, d’où l’opposition palestinienne au projet.
Mais cela n’est pas tout, Benyamin Netanyahou n’a pas renoncé à son projet de création du « Grand Jérusalem », annexant les trois blocs de colonies qui cernent la ville, au nord, à l’est et au sud. Cette réalisation couperait la Cisjordanie en deux et confisquerait près de 200 km² en plus de son territoire. Jérusalem deviendrait alors une énorme métropole s’étendant sur plus de 300 km² ! Notons que, de facto, l’annexion est déjà réalisée, les dites colonies étant coupées de la Cisjordanie par le mur de la honte et reliées à Jérusalem par des routes réservées aux seuls Israéliens.
La communauté
internationale n’a jamais accepté les décisions
unilatérales du
gouvernement israélien
Déjà, par sa résolution 194 du 11 décembre 1948, l’ONU avait réaffirmé le principe de l’internationalisation de Jérusalem. Et, Jérusalem-Est est toujours considérée comme occupée au regard du droit international et toutes les grandes ambassades, sauf celle des États-Unis depuis peu, sont installées à Tel-Aviv.
La première condamnation des mesures israéliennes apparaît avec la résolution 252 votée le 21 mai 1968 du Conseil de sécurité. Elle est particulièrement explicite : le Conseil considère « que toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, y compris l’expropriation de terres et de biens immobiliers, qui tendent à modifier le statut juridique de Jérusalem sont non valides et ne peuvent modifier ce statut ».
Mais c’est le 3 juillet 1969 qu’est votée la première résolution (267) spécifiquement consacrée à Jérusalem, y compris par le représentant des États-Unis (il s’était abstenu jusque-là). Elle dénonce les « expropriations et confiscations » de propriétés et les « démolitions » de bâtiments « occupés » à Jérusalem.
Lorsqu’Israël a décidé de faire de Jérusalem unifiée sa capitale, le Conseil de sécurité a adopté, sa résolution 476, le 30 juin 1980, demandant instamment à la puissance occupante, « de se conformer à la présente résolution et aux résolutions précédentes du Conseil de sécurité et de cesser immédiatement de poursuivre la mise en œuvre de la politique et des mesures affectant le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem ». Israël ne s’étant pas conformé à cette résolution, le Conseil a adopté, le 20 août, la résolution 478, réaffirmant que toutes les mesures prises pour modifier le statut de la ville étaient « nulles et non avenues » et demandant aux États qui avaient établi des missions diplomatiques à Jérusalem de les retirer.
L’Assemblée générale a également estimé que les mesures prises par Israël constituaient une violation du droit international, en application de la 4ème Convention de Genève relative à la protection de la population civile en temps de guerre. Cette position, définie en décembre 1980, a été réaffirmée au cours des années ultérieures.
Ainsi, le 12 octobre 1990, à la suite des actes de violence commis par les forces de sécurité israéliennes sur l’Esplanade des mosquées, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 672 condamnant ces actes, qui avaient fait des morts et des blessés, et engageant Israël à « s’acquitter scrupuleusement des obligations juridiques et des responsabilités lui incombant en vertu de la quatrième Convention de Genève ».
Depuis 1997, et à plusieurs reprises, le Conseil de sécurité, et l’Assemblée générale ont réaffirmé que la communauté internationale portait un intérêt particulier à la question de la ville de Jérusalem et à la protection du caractère spirituel et religieux unique de cette ville. Ils ont réaffirmé également que toutes les mesures et décisions d’ordre législatif et administratif prises par Israël, puissance occupante, qui ont modifié ou visaient à modifier le caractère, le statut juridique et la composition démographique de Jérusalem étaient nulles et non avenues.
Cela n’a jamais empêché le gouvernement israélien, qui a toujours fait fi du droit international d’approuver par exemple, en mai 1999, un plan tendant à agrandir de plus de 1300 hectares la zone de peuplement de Maale Adumim à l’est de Jérusalem, ce qui revenait à créer une implantation continue.
Le 23 décembre 2016, le Conseil de Sécurité de l’ONU a adopté à nouveau une résolution (la 2334) fort claire : « La création par Israël de colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en droit et constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable. » A noter qu’alors les États-Unis (Ultime mise en garde du Président Obama) n’ont pas opposé leur veto.
L’élection en novembre de la même année de Donald Trump à la présidence des États-Unis allait totalement modifier le cours des choses.
Son coup de tonnerre : le 6 décembre 2017, il décidait d’appliquer la loi, votée par le Congrès en 1995, (la Jerusalem Embassy Act) reconnaissant unilatéralement Jérusalem comme capitale d’Israël. Cette loi avait été reportée de six mois en six mois par les précédents présidents. Trump rompait de facto avec la diplomatie traditionnelle des Étasuniens, mais il respectait sa promesse électorale ! Jérusalem, ville trois fois sainte, est le centre de la question israélo-palestinienne, voire de la question israélo-musulmane (mondiale), depuis toujours, mais aussi un enjeu électoral aux États-Unis… et, D.Trump voulait s’assurer le vote des « chrétiens évangéliques » (des dizaines de millions aux États-Unis), tous sionistes, grands amis d’Israël. C’est d’ailleurs aussi la religion du vice-président Mike Pence. Sans oublier la frange de la communauté juive étasunienne, minoritaire, proche des thèses du Grand Israël, dont nombre sont dans l’entourage du Président.
Et, comme souligné au début de cette chronique les États-Unis inauguraient le 14 mai, date coïncidant avec le 70e anniversaire de la création d’Israël en 1948, leur ambassade à Jérusalem – installée à titre provisoire dans une annexe du consulat général. Les autorités israéliennes – qui voient dans le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem un tournant historique – craignaient des désordres. Pour que rien ne vienne gâcher la fête, la police, comme l’armée, devait être déployée en force.
Cette décision de Donald Trump ne pouvait être acceptée par les Palestiniens. Le président Mahmoud Abbas, la décrivant comme « la claque du siècle », décidait de rompre tout contact avec l’administration étasunienne. Mais cette violation du droit international était aussi immédiatement critiquée par la majorité des pays Occidentaux, dont la France, rappelant à nouveau que le statut de Jérusalem devait être déterminé dans le cadre de négociations entre les parties et non unilatéralement.
Un comble, ce sont deux très proches alliés de Trump, dans l’extrême droite évangélistes étasuniennes, notoirement antisémites, qui étaient chargés d’apporter leur crédit religieux à l’événement ! Benyamin Netanyahou n’en avait cure, trop heureux du soutien inconditionnel, des « sionistes chrétiens » étasuniens, à sa politique.
Les déclarations et résolutions relevées, ainsi que beaucoup d’autres, adoptées par le Conseil de Sécurité ou par l’Assemblée générale de l’ONU, par des organisations internationales, par des organisations non gouvernementales et par des groupes religieux, montrent la détermination de continuer à s’occuper de l’avenir de Jérusalem.
Mais pour les Palestiniens de Jérusalem-Est, comme pour tous ceux de la Palestine occupée, la détermination de la communauté internationale n’est, à ce jour, que théorique. Elle ne représente qu’un flot rituel de belles paroles, jamais suivi de la moindre sanction, laissant le gouvernement sioniste israélien libre d’agir à sa guise, dans son Déni de Palestine et de ses habitants y installés depuis des siècles ! Ne va-t-il pas aujourd’hui jusqu’à proclamer « Israël, État-nation du peuple juif », sans la moindre considération pour les centaines de milliers de citoyens qui ne le sont pas ! Ainsi, ce qu’ont pratiqué les sionistes depuis la création de l’État d’Israël, l’apartheid et le racisme de fait, est désormais devenu de droit ! Cette loi ferme la porte à la paix. Mais les dirigeants sionistes israéliens dans leur orgueil ont-ils un jour voulu la paix ?
Maurice Buttin
Président du Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient
1- « Kairos Palestine » se présente comme le point de vue de leaders Palestiniens chrétiens, représentants diverses Eglises et organisations d’Eglises, qui, ayant réfléchi sur le drame de leur peuple, ont lancé le 15 décembre 2009, un premier appel à la Communauté internationale, aux responsables politiques de la région et aux Eglises du monde entier, afin que l’occupation de la Palestine par Israël prenne fin. A noter que, quelles que soient les critiques développées de la dramatique situation dans laquelle se débat le peuple palestinien, l’appel se veut une parole de foi, d‘espérance et d’amour.