Invitation à découvir l'islam

Mustapha Cherif
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Mustapha Cherif est philosophe et islamologue. Il nous présente la da’wa en islam comme une «  invitation », un « appel » respectueux de la liberté humaine.


Les extrémistes refusent le pluralisme

En ces temps problématiques, où certains prétendent que des musulmans veulent islamiser la société, il est important de clarifier ce que dit l’islam sur la question controversée du prosélytisme et de la prédication.

Il faut d’emblée différencier l’acte de témoigner de sa foi de l’idée de vouloir convaincre et convertir autrui : « Nous avons fait de vous une communauté du juste milieu pour que vous soyez témoins auprès des gens, comme le Prophète sera témoin de vous … » (2, 143)

Le problème réside dans le fait que des extrémistes ont des lectures arbitraires. Ils refusent le pluralisme et cherchent à convertir autrui à tout prix, puisqu’ils isolent des versets comme « l’islam est la religion du vrai » et « Dieu n’acceptera pas d’autre religion. »

Cependant, Dieu ne demande pas aux musulmans d’imposer la religion musulmane. Le prosélytisme n’est pas autorisé, encore moins exigé, pas même de la part du Prophète. Il s’agit seulement du droit et devoir d’annoncer, d’informer, sous forme de prédication, da‘wa, et de donner l’exemple, donner à penser, au service de l’humain et du bien commun.


"Nous t'avons envoyé comme témoin"

La mission du Prophète était d’avertir, de communiquer, d’annoncer, d’inviter, jamais de contraindre, ou d’utiliser des moyens contestables : « Ô toi, le Prophète ! Nous t’avons envoyé comme témoin, comme annonciateur de bonnes nouvelles, comme avertisseur, comme celui qui invoque Dieu – avec sa permission – et comme un brillant luminaire.» (33, 45/46).

Le Coran insiste : « Nous t’avons envoyé à la totalité des hommes, uniquement comme annonciateur de la bonne nouvelle et comme avertisseur ; mais la plupart des hommes ne savent pas » (34, 28). Témoigner, de sa foi chrétienne, musulmane, juive, ou autre, est admis, sans verser dans le prosélytisme, ni porter atteinte à l’ordre public.

La commanderie du bien et la réprobation du mal fait partie de cette orientation, qui implique le dialogue et le respect de la liberté d’autrui : « Puissiez-vous former une Communauté dont les membres appellent les hommes au bien : leur ordonnant ce qui est convenable et leur interdisant ce qui est blâmable : voilà ceux qui seront heureux  » (3, 104).

Ici aussi, l’obligation de dire ce qui est bien et d’interdire le blâmable, peut être mal interprétée. Les extrémistes prétendent être investis de la mission de convertir, y compris en faisant pression. C’est contraire à l’économie générale du Coran, de la Sunna et à la lecture des grandes Écoles théologiques et juridiques.

Des versets dans le contexte de la naissance de l’islam et de la légitime défense face aux agresseurs polythéistes, sont dénaturés et déformés par les lectures extrémistes, tels : « S’ils se repentent, s’ils accomplissent la Salât, s’ils s’acquittent de la Zakât, laissez-les en paix, car Dieu est Tout pardon, Miséricordieux.» (9, 5). Comme s’il ne fallait laisser en paix que ceux qui deviennent musulmans. C’est un contre-sens.

La prédication est appel ou invitation, rien de plus. Durant les premiers temps de l’islam, elle ciblait surtout les musulmans en leur demandant de suivre la voie du Prophète. Cela ne signifie donc pas une obligation de mission à l’égard des non-musulmans. Le respect de la liberté est fondamental : «  Nulle contrainte en religion  » (2, 256) ; « Si ton Seigneur l’avait voulu, auraient cru tous ceux qui sont sur Terre sans exception. Est-ce donc toi qui pourrais contraindre les hommes jusqu’à ce qu’ils deviennent croyants ! » (10, 99).


Chacun est libre, responsable de sa vie.

Personne ne peut être obligé : « Dieu n’impose à chaque homme que ce qu’il peut porter. Le bien qu’il aura accompli lui reviendra, ainsi que le mal qu’il aura fait » (2, 286) ; « Dis : La vérité émane de votre Seigneur. Quiconque le veut, qu’il croie, quiconque le veut qu’il mécroie » (18, 29).

Chacun est libre, responsable de sa vie : « O vous qui croyez, vous êtes responsables de vous-mêmes. Celui qui est égaré ne vous nuira pas si vous êtes bien dirigés. Vous êtes tous destinés à retourner à Dieu. Dieu vous fera connaître ce que vous faisiez » (5, 105).

Il est demandé de bien agir : « Repousse la mauvaise action par ce qu’il y a de meilleur. Celui qu’une inimitié séparait de toi deviendra alors pour toi un ami chaleureux » (41, 34). Le respect de la diversité est central et fait partie du mystère du projet Divin : « Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait des humains une seule communauté » (11, 18).

Le Coran dit au Prophète de pratiquer la prédication dans la douceur et la bonté, en faisant appel à la raison, au dialogue et à la persuasion pacifique  : « Appelle les hommes dans le chemin de ton Seigneur, par la sagesse et une belle exhortation, discute avec eux de la meilleure manière » (16, 125).

Dans la tradition musulmane, c’est un art et une pédagogie de la civilité et du vivre ensemble. Il existe une jurisprudence du témoignage et de l’invitation à devenir musulman, une théologie et un droit de la prédication. La tolérance est cardinale : « Dis : ô infidèles ! Je n’adore pas ce que vous adorez, vous n’adorez pas ce que j’adore (...). Vous avez votre religion et j’ai la mienne » (109, 1-6).

 travers les siècles, l’immense majorité des personnes qui sont devenues musulmanes ne l’ont pas été suite à la prédication prosélyte. Aujourd’hui, malgré le fait que des prédicateurs utilisent, comme les chrétiens évangéliques et autres, des techniques de marketing, cela n’a pas d’effet réel. C’est une surenchère et une instrumentalisation idéologique.

La prédication, ou da‘wa, ne doit jamais utiliser la pression, des procédés douteux ou des appâts. Cette dérive se transforme en « tabshir », action qui signifie prosélytisme au sens négatif. La foi est valide si elle est expérience intime, acte libre, volontaire et conscient : « Dieu guide à sa lumière qui Il veut » (24, 35).

Les extrémistes qui pratiquent le prosélytisme et une prédication agressive sont en opposition avec l’islam. L’extrémisme politico-religieux est un fléau transnational qu’il faut combattre. C’est un phénomène aux causes multiples. À travers le monde, les musulmans en sont les plus nombreuses victimes.

Le concept du « vivre ensemble » est avant tout celui de la culture musulmane. Durant des siècles, l’Occident et la Méditerranée ont été judéo-islamo-chrétien et gréco-romano-arabe. L’expansion rapide de l’islam au VIIème siècle, de la Chine à l’Espagne s’est faite grâce au sens du Coran, au comportement tolérant des cavaliers musulmans et au fait qu’ils apparurent comme libérateurs, par rapport aux régimes politiques oppressifs et décadents de l’époque.

À travers l’histoire de l’islam, jusqu’à aujourd’hui, le soufisme, qui en est le cœur, par sa mystique, sa sagesse et son sens du respect du pluralisme, a plus conquis les cœurs que les actions prosélytes et le rigorisme, que ce soit en Afrique, en Asie ou en Europe.


Une révolution pacifique

La voie mohammadienne se veut une révolution pacifique, en rupture avec les systèmes qui sombraient dans l’agressivité, l’écrasement de l’humain et l’idolâtrie. Le Prophète lie la foi et la fraternité : « N’est vraiment croyant que celui qui souhaite pour son frère ce qu’il aime pour lui ». (Rapporté par Bukhari et Muslim)

Des historiens et orientalistes, comme Thomas Arnold (1864-1930) dans La Prédication de l’islam : histoire de la propagation de la foi musulmane, Will Durandt (1885-1981) dans L’Histoire de la Civilisation et Gustave Le Bon (1841-1931) dans La Civilisation des Arabes, démontrent que l’islam s’est propagé plus par le bel-agir et la conduite éthique, que par la force de l’épée ou des pressions. Ils reconnaissent que loin de chercher à imposer leur croyance aux autres peuples, l’islam respectait leur foi, leurs usages et leurs coutumes.

Pr Mustapha Cherif, philosophe,


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