La foi dans les cités
des femmes de " la Caravelle "
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Un chrétien peut être déconcerté par certaines convictions formulées par les femmes d’une cité. Cependant leur foi, leur désir de plaire à Dieu, leur confiance saute aux yeux.

Pleurer loin des siens

Lorsque quelqu’un meurt en Algérie, on attend, pour les obsèques, que la famille proche puisse venir rejoindre le défunt. Il n’en va pas de même au Maroc. N. vient de perdre son père, dans la région d’Oujda. Elle nous dit comment, vivant loin de sa famille, on ressent la mort d’un proche.

« Je me suis sentie très seule. Bien sûr, j’ai dit « C’est la volonté de Dieu  », mais j’ai pleuré. Je n’ai pas pu assister à l’enterrement. Les obsèques se font très vite après la mort. Mon père est mort un dimanche matin. A 16 heures il était en terre. Pour le bien du défunt, il faut aller très vite ; si on meurt un matin, on est conduit en terre le jour même. Si on meurt le soir, on attend le lendemain matin. La famille lave le mort, fait les ablutions prescrites. Tout cela, pour mon père, a été fait à la maison. Une fois que le mort est lavé et préparé, on l’enveloppe d’un suaire blanc et on l’amène à la mosquée. Un Imam vient pour une prière spéciale (la prière de « Jenaza »). Ensuite les hommes de la famille et leurs amis masculins accompagnent le corps jusqu’au cimetière. Les femmes ne vont pas à la prière de Jenaza ; elles restent à la maison et préparent à manger pour les personnes qui viennent dire leur sympathie à la famille en deuil : les gens viennent de partout. Le mort est déjà en terre : ce sont les proches du défunt qu’on vient voir et entourer d’amitié.

Tout cela, autour de mon père, je ne l’ai pas vécu. Mais j’étais présente pour la visite au cimetière. Trois jours après la mort, hommes et femmes, on va au cimetière près de la tombe. C’est une coutume dans beaucoup de pays, ce n’est pas une obligation. On va donc au cimetière avec des dattes, des figues, des raisins secs pour donner aux passants.»

Les liens entre les vivants et les morts
La sadaqa

Cette coutume de donner des fruits secs aux passants s’appelle « sadaqa ». En français, on peut traduire par « aumône » :
Lors d’un deuil, en effet, on fait des aumônes pour que Dieu soit miséricordieux à l’égard du défunt. S’il a fait des mauvaises actions, nos sadaqas entraînent le pardon de Dieu. Il y a des limites au pardon de Dieu, c’est vrai. Si quelqu’un m’a fait du mal et que je ne le lui pardonne pas moi-même, Dieu ne peut rien pour lui. Mais Dieu pardonne à celui qui a fait du mal. Il est clément. Si on fait du bien à un pauvre, si on donne un repas à quelqu’un qui n’a rien à se mettre sous la dent, le bien qu’on fait est attribué au défunt. C’est comme s’il avait fait lui-même cette bonne action.

Autrement dit, on peut continuer à dire son amour à ceux qu’on a aimés en faisant des « sadaqas » pour eux. Les femmes qui nous parlent, racontent qu’elles agissent toute leur vie en faveur de leurs défunts. Ce n’est pas une affaire d’argent :
« Si tu es pauvre et que tu fais un sourire à quelqu’un qui passe dans la rue, c’est une « sadaqa », à condition, bien sûr, que tu aies en tête la pensée de celui ou de celle pour qui on fait cela. »

On peut aussi faire le Hadj (le pèlerinage à la Mecque) à la place d’un mort. C’est affaire de « niyyia », d’intention :
On dit en soi-même : « Je fais ce pèlerinage pour mon père, pour ma mère ou pour telle ou telle personne ». La récompense qu’entraîne le hadj est reçue par le défunt et cela lui est compté au jour du jugement.

Les rêves

« Quand un défunt vient de mourir, il peut revenir nous voir en rêve, deux ou trois jours après nous avoir quittés. S’il vient nous visiter dans nos rêves, le lendemain il faut faire un don pour lui. Ceci peut aussi se produire longtemps après la mort. « J’ai perdu ma mère depuis longtemps. Ma sœur m’a dit qu’elle avait rêvé de ma mère ; elle lui avait dit  : « Fais-moi un café ! ». Ma sœur s’est levée ; elle a rempli une bouteille thermos de café et l’a donnée à des mendiants. Une autre sœur a vu ma mère en rêve avec une robe à bretelles, les épaules découvertes. Ma mère a dit « J’ai froid ! » Alors ma sœur a acheté un pull et l’a donné à une vieille femme. Je parle à ma mère. Je lui demande de m’aider quand j’ai des difficultés. Un jour, j’étais malade. J’ai prié. J’ai demandé à ma mère de supplier Dieu de me guérir. Je la prie de m’aider et je prie pour elle : que Dieu lui fasse miséricorde.

Il faut faire attention quand on parle des rêves. Il ne faut pas croire que les défunts peuvent encore quelque chose, objecte-t-on. S’ils viennent nous voir, ce n’est pas parce qu’ils le veulent ; c’est parce que Dieu les envoie. C’est comme les prophètes : s’ils ont parlé, c’est parce que Dieu les a envoyés. « Avant de mourir, ma mère avait dit : ‘ Après ma mort, je veux que vous restiez unis’. Quand je vois ma mère en rêve qui n’est pas contente et me dit : ‘ Pourquoi tu ne rends pas visite à ta sœur ?’, elle me rappelle que j’ai tort mais c’est Dieu qui l’envoie. Elle n’a pas le pouvoir de venir et d’intervenir. C’est Dieu qui fait tout. C’est d’ailleurs pour cela que, quand on fait du bien, il ne faut pas le montrer : ce serait oublier que le bien qui a été fait vient d’Allah ».

Si on fait une mauvaise action et si un défunt que nous avons connu vient dans nos rêves, c’est aussi pour nous dire : « Ce que tu fais n’est pas bien ». On le voit à son air fâché et triste. Il peut arriver aussi qu’il nous rejoigne après une bonne action. Dans ce cas, il est habillé de blanc et en bonne santé. Si, au contraire, il rejoint une personne méchante, tu le vois sur son visage et ses vêtements.

Un jour, un monsieur très fatigué dormait près d’un arbre. C’était à côté d’un cimetière. Un enterrement s’approchait. Une femme enterrée a dit en rêve à l’homme endormi : « Ne mettez pas ces deux femmes à côté de moi. » L’homme s’est réveillé au moment où le cortège mortuaire arrivait  : on apportait deux corps. L’homme a demandé de qui il s’agissait  : « des hommes ou des femmes ? » On lui répond : « Deux femmes  !  » L’homme dit alors aux porteurs : « Il ne faut pas les enterrer ici. » Les porteurs ont compris ; ils se sont écartés. Fatigué, l’homme se rendort et la femme est revenue dans son rêve ; elle lui a dit : « Je te remercie parce que les deux femmes qu’on amenait ont fait beaucoup de mal ! »

Le jugement

« Le jugement commence dès qu’on est dans la tombe. Deux personnages arrivent : Muncar et Nacir. Ce sont des messagers envoyés par Dieu. Ils t’interrogent : « Qui est ton Dieu ? » ; « Qui est ton prophète ? » Satan peut venir et se faire passer pour Dieu. Pris par la peur, le défunt risque de dire « C’est toi ! ». Le vrai croyant ne peut pas se tromper. Les deux personnages t’interrogent : «As-tu fait ta prière ? ». Ils discernent si la prière a été acceptée par Dieu. On peut, en effet, prier matériellement sans que la prière soit acceptée ; on peut prier pour avoir une bonne réputation plutôt que de se tourner vers Allah. Les deux personnages te disent ce qu’il en est vraiment. Je peux faires des sadaqas devant des gens pour faire croire que je suis bon alors que mon cœur est indifférent à la misère de celui que je nourris. Ils te montrent tous tes actes, ceux qui sont agréables à Dieu ou non. Ils te disent si ta place est le paradis ou non. Le jour du jugement, tous les croyants seront jugés en même temps. Ce jour-là seulement, on saura si Dieu a pardonné ou pas. On sait ce qu’auront valu nos vies mais les sadaqas faites pour nous entraînent la miséricorde de Dieu. Jusqu’à quel point ? Mystère. Entre cette visite dans la tombe et le dernier jour, les croyants prient et font des aumônes pour leurs défunts.

Entre la mort et le jugement dernier, l’âme est en attente. A la fin on retrouve son corps : un corps qui sera celui d’une personne de 33 ans, quel que soit l’âge de la mort : un nourrisson mort à la naissance ou un centenaire auront le même âge. Ce n’est pas pour rien qu’on dit que Jésus est mort à l’âge de 33 ans. »

La vie après la mort

« Tout ce que le Coran dit du Paradis se passera après le jugement dernier. En attendant ce jour, nous croyons que 10 personnes y résident actuellement : Abou Baker, par exemple, en fait partie. Souvent les chrétiens qui lisent le Coran croient que ce qui est écrit n’est qu’une image du bonheur. Ils prétendent que Dieu se serait servi des images de bonheur qui étaient celles des arabes dans le désert au temps de Mohammed. Ils disent que l’image du bonheur, dans le désert où l’on a soif, c’est l’eau fraiche. C’est pour cela, selon eux, que le Livre parle de jardins irrigués. (« Des fleuves dont l’eau reste éternellement fraîche, des fleuves de lait, des fleuves de miel purifié».) Le vrai musulman croit que ce qui est écrit est une description exacte de ce que l’on vivra au Paradis. Si c’est Dieu qui parle, il dit nécessairement la vérité : on n’a pas le droit de douter par exemple que les martyrs auront droit à 70 vierges pour leur plaisir. On pourra boire du vin. On croit aveuglément à ce que Dieu nous dit. Si Dieu a envoyé des prophètes, s’il a réellement parlé par leurs bouches, il ne peut pas avoir raconté des bobards. Il a parlé pour qu’on sache qu’il y a un paradis et ce que c’est que ce paradis. »

« Je viens de voir une vidéo parlant d’une personne qui était dans le coma. Ses enfants disaient « Il va mourir ». Cette personne a repris connaissance. Redevenant consciente, elle a dit avoir vu le paradis ; il est tel que le Coran le décrit. Il s’agissait de quelqu’un qui avait toujours fait le bien : « Maintenant, disait-il, j’ai vu où un jour je vais partir ! »

Le musulman face à sa propre mort

« Je n’ai pas peur de la mort. J’ai confiance en Allah. C’est curieux. Je n’ai pas peur de mourir mais j’ai peur quand même parce que je ne fais pas toujours ce que Dieu me demande. J’ai peur de ce qui va venir après la mort. Un jour, j’ai eu un malaise : je n’arrivais plus à respirer. Je pensais que j’étais en train de mourir et je me disais : « Je n’ai pas fait tout ce que Dieu m’a demandé ».

« Parce qu’on sait qu’on doit mourir, un musulman respecte toujours la volonté de Dieu. On dit du paradis que c’est la maison de ceux qui disent toujours « hamdullillah », « Louange à Dieu ! ». Quel que soit l’événement qui arrive, on s’efforce de dire « Louange à Dieu ». Ton mari, tes parents, ton fiancé peuvent être malades, mourir, tu dois dire et penser sincèrement « Dieu soit loué ! » Ce qui compte, c’est sa volonté à lui. Le musulman fait passer la volonté de Dieu avant toute autre chose. Le projet du musulman c’est le paradis. On fait du bien pour aller au paradis. Quand je vois dans le monde des gens qui n’ont rien à manger et si je ne pense pas à eux, je ne suis pas vraiment croyante. Il faut penser à eux. Dans les hôpitaux, on voit des malades qui n’ont pas de famille ni personne pour leur rendre visite. Il faut penser aux autres. Il faut partager parce que c’est la volonté de Dieu. Il faut faire sa volonté pour aller au paradis. Si je dis « Je fais ma prière pour aller au paradis », cela ne suffit pas. Cela ne marche pas si je ne pense pas aux autres. »

« En pensant à sa propre mort, le musulman songe sans cesse à demander pardon. En Palestine, les mamans, quand leurs enfants meurent en étant « shaïds », martyrs, font des youyous. Pour elles c’est la fête. Elles ne sont pas tristes. J’avoue que je ne suis pas comme elles. Par exemple, quand je suis malade, je proteste en moi-même : « Pourquoi cela m’arrive à moi ? » J’ai tort, mais cela m’arrive et je dois demander pardon.

Je ne suis pas un ange : je fais des péchés mais je demande pardon et je sais qu’il me pardonne ; c’est pour cela que je reste confiante. Nous savons le chemin qui mène à Dieu. Mais on ne peut être obéissants à 100%. Il m’arrive de mentir par exemple. Je fais des « douas » (des invocations) pour demander pardon. Je fais des douas pour moi, mon mari, mes enfants. Mais je fais aussi des douas pour tout le monde. »

Questions diverses

- Le lieu de l’enterrement : « Dans les cimetières français, les maires ont fixé des lieux pour les obsèques des musulmans : « les carrés musulmans  ». Mais que le corps soit posé ici ou là n’a pas d’importance. Moi, par exemple, j’aimerais être enterré là où sont mes parents mais c’est purement sentimental. Ce n’est pas cela qui changera ce que je suis devant Dieu. »

- Les fins de vie : « Quand des gens sont complètement infirmes, quand ils ne peuvent plus parler, plus comprendre personne, quand ils ne peuvent plus manger et qu’on les maintient en vie par des perfusions, il faut respecter sa vie. Un médecin n’a pas le droit d’arrêter les perfusions pour le laisser mourir. Il doit respecter la volonté de Dieu qui est le seul à pouvoir décider de la fin. »

- Les fedayin : Quand des personnes, en Palestine, se font des ceintures d’explosifs pour aller faire sauter un lieu où se trouvent leurs ennemis, que faut-il penser ? Pour les unes, c’est du cinéma. On n’a pas le droit de se donner la mort et surtout pas de la donner à un musulman. « Ils font cela pour qu’on parle d’eux et qu’on les montre à la Télé. C’est pour cela que je dis que c’est du cinéma. » D’autres ne sont pas d’accord. Quand il s’agit de défendre une cause noble, par exemple dans la guerre, il faut que certains acceptent de faire le sacrifice de leur propre vie. « Si tu donnes ta vie par amour pour ton pays, par amour pour des hommes et des femmes en danger ou victimes d’une injustice, cette mort peut être légitime. Si quelqu’un vient attaquer ta famille, si tu défends ta famille au risque d’être tué, tu deviens « shaïd », martyr.

L’accord est unanime pour réprouver les actes de terrorisme posés au nom de l’islam.

Des femmes de « La Caravelle »

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