La loi de 1905
Michel Poirier
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Michel Poirier, un ami de « La Maison islamochrétienne », a écrit une histoire de l’Eglise qu’on peut trouver sur le site « Dieu maintenant ». Il accepte que nous en extrayions ce passage.


En 1901, la loi du 9 juillet sur les associations,
très libérale, fait une exception à propos des congrégations religieuses, elles devront obtenir une autorisation spéciale du Parlement. La loi est d’abord appliquée avec une certaine modération, mais l’arrivée à la tête du gouvernement d’Emile Combes, en 1902, donne le signal d’un conflit plus violent, trois mille établissements scolaires non autorisés sont fermés, les autorisations sont systématiquement refusées aux congrégations, leurs membres doivent s’exiler ou retourner à l’état séculier (ou faire semblant).


En juillet 1904, c’est la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican.
Le Concordat est toujours en vigueur, mais son application va certainement devenir problématique, par exemple à propos des nominations d’évêques. Personne ne souhaite vraiment la séparation, ni l’Eglise, à laquelle le Concordat assure des ressources et un rôle officiel, ni le gouvernement, qui apprécie le contrôle que le Concordat lui permet.


La loi de séparation est pourtant votée en décembre 1905,
faute d’une autre solution. Elle garantit la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, dont aucun ne sera subventionné. Les biens des Eglises seront confiés à des associations cultuelles que devront constituer les fidèles des différentes confessions. Les protestants s’accommodent de ce système. Pie X le refuse pour deux raisons, par principe parce que le Concordat était un traité signé entre deux parties et qu’il a été dénoncé unilatéralement, et parce que les associations cultuelles pourraient donner un pouvoir aux prêtres de la base et surtout aux laïcs, les faisant échapper à leur statut de troupeau docile (encyclique Vehementer). Faute d’associations, les séminaires, les évêchés, les presbytères, les édifices du culte sont donnés par l’Etat aux collectivités, qui laisseront à la disposition du culte, et qui continueront d’entretenir, les églises et de nombreux presbytères. Mais les évêchés, les séminaires, la plupart des couvents se trouvent ainsi perdus. Les inventaires des biens d’Eglise, confiés à la gendarmerie et à la troupe, sont sources d’incidents parfois graves.


Dans l’immédiat, le bilan est lourd.
Les ordinations diminuent de moitié entre la séparation et 1914. L’Eglise de France ne peut plus compter que sur les dons des fidèles, et cela risque d’accroître sa dépendance à l’égard des plus riches. A terme, elle va être plus libre, elle pourra réunir ses évêques ou ériger des paroisses sans que l’Etat ait son mot à dire, ou encore créer des mouvements, donner sans censure son avis en matière sociale ou morale, ce qui est fort bien. Elle va aussi dépendre plus étroitement du Saint-Siège. Quant aux religieux, ils pourront revenir peu à peu, et après la guerre de 1914-1918 leur bannissement tombera en désuétude.

Michel Poirier

«L’Eglise est par essence une société inégale, c’est-à-dire une société comprenant deux catégories de personnes, les pasteurs et le troupeau ... Ces catégories sont tellement distinctes entre elles que dans le corps pastoral seul résident le droit et l’autorité nécessaire pour promouvoir et diriger tous les membres vers la fin de la société ; quant à la multitude, elle n’a pas d’autre devoir que celui de se laisser conduire et, troupeau docile, de suivre ses pasteurs.»

Pie X, Encyclique Vehementer (février 1906)


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