Le CORIF
Mohamed Zeïna
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Mohamed Zeïna a été député des îles Comores jusqu’à leur indépendance. Ce fonctionnaire de l’Etat français, après s’être installé en France, a accepté la Présidence de la Fédération des musulmans des Antilles, d’Afrique et des Comores. Il fut Secrétaire Général de la première instance représentative de l’islam en France.


Naissance du CORIF

C’est en 1990 qu’avait été créé le Conseil d’Orientation et de Réflexion sur l’Islam de France (CORIF).

Il était né à l’initiative de l’ancien Ministre de l’Intérieur et des Cultes, Pierre JOXE. Il était composé de 15 personnalités musulmanes pour réfléchir dans le respect de la laïcité qui constitue un des principes fondateurs de la République française, et dans le cadre de l’application de la loi de 1905. Le pouvoir public avait mission, selon Pierre Joxe, de garantir la liberté des cultes.

Les membres du Conseil choisis par le gouvernement se devaient de regarder ce qui concernait la vie de l’islam de France. Le Ministre précisait qu’à propos du culte musulman il était nécessaire d’établir les conditions d’une véritable concertation. C’est pourquoi il avait choisi des personnalités de toutes sensibilités et de tous pays (Algérie, Tunisie, Maroc, Turquie, Sénégal, France...). Pour ma part, originaire des Comores, j’ai été désigné, en Conseil des Ministres, comme Secrétaire Général.


Les réalisations du CORIF en France et à l’étranger

Parmi les points qui nous ont été soumis, nous avons eu à étudier un questionnaire pour réfléchir à la création de « carrés musulmans » dans tous les cimetières municipaux. C’est par là que le Conseil a débuté. On a réfléchi aussi à la création de l’alimentation hallal pour les enfants de langue musulmane dans les écoles de la République. On a aussi abordé la question de la nourriture pour les militaires. Ce problème a été étudié de très près ; nous avons interrogé les éleveurs, les bouchers et les abattoirs.

Dans ce contexte a surgi la guerre du Golfe entre le Koweït et Saddam Hussein. Quand le conflit s’est déclenché, j’ai été réveillé à 3 heures du matin par un journaliste qui me demandait quels conseils j’avais à donner aux musulmans. Je lui ai répondu que ni les musulmans ni les chrétiens ni les juifs de France n’avaient quoi que ce soit à voir avec la Guerre du Golfe. Les événements étaient déclenchés par des politiciens non par des religieux.

L’Arabie Saoudite était en conflit avec le Koweït. Par ailleurs, un membre du CORIF adressait des reproches à l’Arabie Saoudite, parlant d’occupation étrangère dans les lieux saints de l’islam. Le roi d’Arabie Saoudite, par l’intermédiaire de son ambassadeur, a alors invité les membres du CORIF à venir sur place pour réfléchir avec eux sur ce conflit. La demande était adressée au Président de la République, François Mitterrand, ainsi qu’au Ministre des Affaires Etrangères. Un courrier a été envoyé à chaque membre du CORIF ; on les priait de se rendre aux lieux saints de l’islam pour observer ce qui se passait en Arabie. La démarche était sous la responsabilité du Ministre des Cultes. Une réflexion a eu lieu. C’est ainsi que le CORIF a permis une réconciliation entre l’Arabie et le Koweït.


La dimension interreligieuse du CORIF

Le CORIF n’était pas seulement attentif à la prière des musulmans. On a veillé au développement de relations harmonieuses entre l’islam et la société dans son ensemble. En particulier nous nous sommes ouverts sur les responsables du christianisme en France. Nous sommes entrés en relations avec le Vatican, grâce au Secrétariat des Relations avec l’Islam (SRI). Nous avions également de bonnes relations avec le Consistoire juif de France. Il faut parler aussi des contacts avec le Ministère des Armées pour étudier la pratique religieuse, non seulement des musulmans mais aussi des juifs et des chrétiens. En tant que Secrétaire Général, lors de la profanation des tombes juives de Carpentras, j’ai envoyé sans attendre un message à la Communauté juive de France pour lui dire nos condoléances.


Victime du système politique

Nous étions disposés à aller plus loin pour que la stabilité s’impose entre les composantes religieuses du pays. Mais on n’a pas laissé le CORIF continuer son travail : le changement politique en est la cause. La « gauche » n’était plus majoritaire à l’Assemblée Nationale. Charles Pasqua a voulu régler ses comptes avec le gouvernement précédent. Laisser le CORIF travailler aurait consisté à reconnaître une réussite de ses adversaires politiques. Je dois dire que le CORIF a été très utile. Il pouvait faciliter la fraternité. Malheureusement le système politique l’a empêché de continuer.

Mohamed Zeïna

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