Triste époque
Fatima Tayab
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Fatima Tayab anime un groupe de femmes musulmanes au cœur de « La Caravelle », une cité des Hauts-de-Seine ; elle fait part de ses sentiments, qui sont aussi ceux de ses amies, face aux violences qui abîment le monde d’aujourd’hui.


Le spectacle des violences, à la Télévision, est insoutenable

Quand on me parle de violence, la première situation qui me vient à l’esprit est celle de la Syrie. Depuis des années on tue des femmes et des enfants. Des familles entières sont obligées de fuir leur pays. On trouve des syriens partout dans le monde  : en France, au Maroc, mais aussi dans bien d’autres pays. Ils errent sur les routes dans l’espoir de trouver quelque part une terre où ils pourront être à l’abri de la guerre. Ils ne sont pas toujours bien reçus ! Ce qui les caractérise c’est d’avoir tout perdu, absolument tout. Ceux qui sont restés en Syrie voient leurs maisons, leurs quartiers complètement détruits. Les images d’enfants gazés sont insoutenables. Et tout cela pour quoi ? Pour l’appétit des grandes puissances ! Le Qatar, l’Arabie Saoudite, la Russie, l’Iran, la Turquie, les USA… je n’essaye même plus de comprendre leurs jeux. Ils ne m’intéressent pas. Je vois seulement que leurs actions ont créé un immense malheur pour ce peuple dont ils ont l’air de n’avoir rien à faire. Leurs intérêts sont ailleurs !

A la télévision et sur internet, les images de massacres en Syrie se succèdent jour après jour. C’est tellement insoutenable que j’en suis venue à « zapper ». Je ne veux plus les voir ! Je ne peux plus le supporter ! Quand on annonce à la télévision que l’on va parler de la Syrie, je passe sur une autre chaîne. Je me protège ! Non que je sois indifférente, au contraire mais parce que je suis trop touchée et qu’il faut bien quand même continuer à vivre. Mes enfants ne supporteraient pas que leur mère soit dans l’angoisse : il faut créer pour eux un climat de paix.

La violence c’est aussi la Palestine et en particulier Gaza. Là encore c’est insoutenable. Et cette situation dure depuis tant d’années que beaucoup préfèrent « zapper ». Un responsable du CCFD-Terre Solidaire disait qu’il y a encore 4 ou 5 ans quand il organisait une conférence sur la Palestine il y avait au moins 400 à 500 personnes qui y assistaient. Il en a organisé une sur Gaza il y a quelques mois et seulement 100 personnes sont venues. Quand on ne voit pas d’issue à un conflit, on préfère tourner le dos à cette situation. Je sais bien qu’on ne devrait pas agir ainsi parce que pendant ce temps des hommes, des femmes et des enfants meurent dans l’indifférence générale. Mais il y a un moment où la violence du monde est si forte que l’on préfère se replier chacun chez soi.


Les musulmans ne sont pas les seules victimes des violences d’aujourd’hui

Je trouve que ce monde n’a jamais été aussi violent qu’aujourd’hui. Cette violence n’est pas seulement contre les musulmans. Des chrétiens, en Égypte, se font massacrer par des musulmans et les musulmans entre eux s’entretuent. Qu’on arrête de dire que cette violence est liée à une religion en particulier ou à toutes les religions qui seraient sources de guerre. Elle est partout aujourd’hui parce que les hommes ne sont pas conduits par le désir de se rencontrer mais par le profit qu’ils peuvent tirer de telle ou telle situation. C’est le règne de l’argent qui est la cause de ces violences. Ceux qui suivent Daech prétendent souvent poursuivre un combat pour Dieu. Ne les croyez surtout pas ! Ils sont aussi intéressés que les autres ! On les paye pour partir et ils espèrent bien se faire une situation glorieuse en allant faire soi-disant la guerre aux mécréants. Qu’ils veuillent être les plus glorieux sur la terre ou au paradis, de toute façon c’est leur propre gloire qu’ils cherchent. Ils tuent pour montrer qu’ils sont les plus forts ! C’est ça qui leur prend la tête. Ils ne voient rien d’autre. Ils ne tiennent compte ni de la souffrance ni de la mort qu’ils disséminent en France, en Syrie ou ailleurs. Ce qu’ils aiment c’est faire peur ! Ils se donnent ainsi l’impression d’être des surhommes !

Qu’on ne dise pas que l’islam est plus violent qu’une autre religion ou que ceux qui n’ont pas de religions ! En Birmanie ce sont des musulmans qui se font massacrer par des Hindous. Remarquez que là, il n’y a pas à zapper. On en parle pratiquement jamais à la télévision. Après tout ce ne sont que des musulmans qui se font tuer !!! Dans toutes les religions il y a de la violence mais elle ne procède pas de la religion du Livre Saint sur lequel certaines s’appuient. Elle procède de la folie des hommes, de leur goût pour dominer les autres. Le Coran comme la Bible conduit au même Dieu et c’est un Dieu de Paix. Un Dieu qui commande l’hospitalité, qui interdit de tuer, qui est « Le Miséricordieux ». Mais on peut faire de tous les livres saints une lecture violente en retirant un verset de son contexte par exemple. On s’appuie sur le Livre pour faire exactement le contraire de ce que Dieu veut ! Ensuite on accuse telle ou telle religion de semer la violence et, ce faisant, on ne fait qu’en rajouter !


La violence engendre la peur, le repli et la méfiance

Aujourd’hui, la violence engendre la peur et la peur le repli bien plus qu’avant. Il y avait au Maroc une tradition ancestrale d’hospitalité. Quand dans un village quelqu’un frappait à notre porte c’était un devoir de l’accueillir. Maintenant on ne peut plus agir ainsi. Ce serait même de la folie de le faire : on ne sait pas si cet étranger ne vient pas pour piller la maison. Hier on n’y aurait même pas pensé. La violence est partout en France aussi, dans les cités, dans les écoles par exemple. Peut-être pas dans les quartiers riches mais ceux-là, je ne les fréquente pas. Je ne suis pas sûre que j’y serais la bienvenue ! On est obligé de se méfier de presque tout le monde. On voudrait enseigner à nos enfants de ne pas répondre à la violence par la violence et je le fais. Je crois vraiment que c’est ce que nous demande le Coran. Mais je dois aussi leur apprendre à se méfier, même de leurs camarades de classe. L’ami d’aujourd’hui peut très bien demain appartenir à une bande qui pourrait agresser mon fils ou ma fille. Je voudrais ne leur apprendre que l’hospitalité et la paix mais je ne le peux pas.

Pour en revenir à la Syrie et à ceux qui cherchent un refuge en France, le comble est qu’on doit aussi se méfier d’eux. On en trouve à tous les carrefours, avec un panneau sur lequel est écrit qu’ils sont syriens. Mais quand on s’approche de beaucoup d’entre eux et qu’on leur parle en arabe on voit qu’ils ne connaissent pas un mot d’arabe. Ils utilisent la compassion qu’on a pour les syriens en ce moment pour se faire le plus possible d’argent. Être tzigane ou Kurde, ça rapporte moins ! Même chez les pauvres on se fait la guerre pour avoir le maximum d’argent. Les places les plus rentables se vendent très cher ! Aujourd’hui, la violence engendre la peur et la peur le repli bien plus qu’avant. Il y avait au Maroc une tradition ancestrale d’hospitalité. Quand dans un village quelqu’un frappait à notre porte c’était un devoir de l’accueillir. Maintenant on ne peut plus agir ainsi. Ce serait même de la folie de le faire : on ne sait pas si cet étranger ne vient pas pour piller la maison. Hier on n’y aurait même pas pensé. La violence est partout en France aussi, dans les cités, dans les écoles par exemple. Peut-être pas dans les quartiers riches mais ceux-là, je ne les fréquente pas. Je ne suis pas sûre que j’y serais la bienvenue ! On est obligé de se méfier de presque tout le monde. On voudrait enseigner à nos enfants de ne pas répondre à la violence par la violence et je le fais. Je crois vraiment que c’est ce que nous demande le Coran. Mais je dois aussi leur apprendre à se méfier, même de leurs camarades de classe. L’ami d’aujourd’hui peut très bien demain appartenir à une bande qui pourrait agresser mon fils ou ma fille. Je voudrais ne leur apprendre que l’hospitalité et la paix mais je ne le peux pas.


J’ai honte de voir des musulmans faire la manche

J’ai honte de voir des musulmans grands et forts faire la manche aux feux rouges avec leur femme et leur bébé. En islam, c’est l’homme d’abord qui doit rapporter de l’argent pour nourrir la famille. Une femme avec un bébé sur les bras n’a pas à être sur le trottoir, du moins quand on se réclame de l’islam ! J’ai honte de ceux qui tuent au nom de l’islam, j’ai honte des caïds qui mettent leurs femmes et leurs bébés sur le trottoir en se prétendant syriens donc perçus comme musulmans par l’ensemble de la population.

Un monde de violence, de peur, de honte ne peut qu’engendrer le repli sur soi. On cherche un refuge quelque part. C’est une chance quand on peut le trouver en famille mais ce n’est pas toujours le cas. Il est sûr et certain que Dieu veut la paix et qu’il la commande dans toutes les religions. Je voudrais vivre l’accueil des autres que me demande le Coran. Mais pour cela il faudrait pouvoir combattre – sans devenir soi-même violent – les individus, les groupes ou les pays qui veulent toujours plus de pouvoir ou d’argent sans se soucier des autres. Et pour ce combat, je me sens bien démunie.

Fatima Tayab

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