Le Carmel de La Paix
Des carmélites de Mazille

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Pas loin de Cluny mais à l’écart de toute vie citadine, en un lieu-dit Mazille, vingt-huit femmes, âgées de 25 à 90 ans, vivent en communauté. Elles partagent leur temps entre la prière et le travail agricole qui leur permet de subvenir à leurs besoins. Elles se réfèrent à Jean de la Croix et à Thérèse d’Avila, deux mystiques espagnols du 16ème siècle qui fondèrent l’ordre du Carmel.

La vie mystique

Parce que nous sommes carmélites, « la Maison Islamo Chrétienne » s’adresse à nous comme à des « spécialistes » de la mystique chrétienne. Mais ne peut-on dire que toute vie en relation avec Dieu est « mystique  » ? Quand Jean de la Croix parle « d’extase », selon l’étymologie, il parle d’une « sortie de soi ». La relation à Dieu et aux autres nous délivre d’un enfermement sur nous-mêmes. Tout chrétien n’en fait-il pas l’expérience ?

Néanmoins nous avons décidé d’être carmélites et donc de vivre cette « déprise » à l’intérieur d’un Ordre particulier et c’est de cette expérience que nous allons vous parler. Devenir carmélite, - moniale ou moine - c’est choisir une vie qui sera guidée par l’obéissance à une communauté. Pour nous l’obéissance, autant que la prière, permet cette « sortie de soi ». On vous demande de faire quelque chose pour le bien de la communauté ou celui des autres ; vous le faites volontiers parce que vous avez choisi le service à travers l’obéissance ; vous sortez de vous-même. Vous faites alors une expérience «  d’extase ». Considérer l’extase comme une sortie de soi en Dieu seulement pourrait sans cela être un piège qui consisterait à penser que seuls ceux qui ont des « extases » (au sens habituel du terme) auraient accès à la sainteté. Or ce n’est pas le cas. Dans le langage courant la « mystique » consiste à faire des expériences de Dieu extraordinaires. La plupart des gens se disent qu’ils ne sont pas appelés à cela. Tout dépend de ce que l’on met sous le terme «  extase ».

La présence de Dieu dans leur vie

Prenons l’exemple des jeunes qui veulent devenir carmélites. Toutes celles qui choisissent aujourd’hui la vie du Carmel ont déjà fait l’expérience d’une rencontre –  sous une forme ou une autre – que l’on peut appeler « mystique », c’est-à-dire qu’elles ont reconnu la présence de Dieu ou du Christ, dans leur vie, d’une façon très forte. Soit par des signes qu’elles ont interprétés réellement comme une présence, soit par une expérience intérieure de lumière et de paix, soit par la confrontation avec la Parole de Dieu, soit encore par la rencontre d’un « témoin » ; un jour Dieu leur a paru éclairer leur vie. Ce qu’elles ont perçu leur paraît finalement premier par rapport à ce qu’elles vivaient déjà qui était pourtant souvent très riche. Elles ont l’intuition qu’il y a une radicalité qui leur est demandée et qui, si elles y répondent, les rendra profondément heureuses. Mais c’est pour elles le contraire d’une fuite du monde. Avant d’entrer au Carmel, la plupart sont déjà engagées dans des associations ou par leur métier pour collaborer à « l’avènement du Royaume de Dieu », à faire grandir l’amour, la justice et l’amitié autour d’elles. Elles ont le sentiment que, pour elles, cela ne va pas assez loin : comment faire pour rejoindre « par le fond » des êtres et pas seulement « en surface » ?

Pour rien, gratuitement

On peut parler, si l’on veut, de « choix mystique  » puisqu’il est fondé uniquement sur la foi. Nous croyons en la fécondité d’une vie donnée radicalement à Dieu, dans une communauté qui n’a pas d’autres raisons d’être que cette foi en Dieu. Nous la donnons pour que Dieu puisse en faire quelque chose pour le monde et non pour fuir le monde. Nous la donnons, dans le même mouvement, pour « rien », gratuitement, uniquement parce que nous avons découvert l’amour de Dieu et que cet amour, à lui seul, mérite qu’on lui donne sa vie parce qu’il est bouleversant, parce qu’il ne concerne pas seulement « ma » vie mais celle de tous les humains et qu’il ne s’arrête pas à ma mort : l’amour plus fort que la mort vaut qu’on lui donne sa vie. Si on pense fuir le monde en entrant dans la vie monastique, on s’en va au bout de trois mois. Le monde va nous retrouver parce qu’on vit avec des sœurs qu’on n’a pas choisies et avec lesquelles on est appelé à faire une communauté unie. Thérèse d’Avila dit : « Il n’y a pas d’autre critère de votre amour pour Dieu que l’amour concret pour les sœurs.  » Inversement on a réellement besoin d’enraciner cet amour des sœurs et de tous les autres dans l’amour de Dieu que l’on reçoit dans la prière.

C’est ce passage constant de Dieu aux autres et réciproquement que l’on peut, en vérité, qualifier de « mystique ». En dehors de cela, toutes les révélations « extraordinaires » risquent toujours de n’être qu’une illusion. Au Carmel, nous sommes appelées à croire que ce va-et-vient entre l’amour des sœurs et l’amour de Dieu, bien qu’invisible la plupart du temps aux yeux de l’entourage, porte le monde en Dieu. On pourrait prendre l’image de Marie de Béthanie qui casse un flacon de parfum précieux – c’est un peu vaniteux de dire cela et de prétendre que ma vie est comme un parfum de grand prix que je répands aux pieds du Seigneur ! – Mais cela a un peu ce sens quand même car Marie a fait un geste complètement gratuit en oubliant le prix du parfum et l’argent gaspillé. Nous disons : « La vie est faite pour être donnée gratuitement, gaspillée… en fait la gratuité n’est pas un gaspillage.» Seule la gratuité dit quelque chose sur l’amour. Cette dimension, nous semble-t-il, est importante dans la vie de chacun et pas seulement dans celle des carmélites. C’est ce que Jésus est venu nous dire. C’est la dimension mystique de toute vie chrétienne. Ceux qu’on appelle les « mystiques » ont simplement su – en l’expérimentant – exprimer cette dimension dans une époque donnée. Jean de la Croix et Thérèse d’Avila ont utilisé le langage dont ils disposaient à l’époque pour dire cela.

Une première étape toujours à refaire

Quand on entre au Carmel on passe par une étape de formation qui dure 6 ou 7 ans avant que l’on ne s’engage définitivement. Ce temps de formation est important. Il permet de se laisser « tarauder » et de… se reconnaître pécheur ! Des jeunes femmes, pendant le temps de postulat, disent : « Je vais partir parce que je n’aurais pas imaginé que j’étais comme cela. Je ne savais pas que j’étais un peu jalouse, un peu ceci ou cela. » C’est la première grosse découverte que la vie commune et la vie devant Dieu dans la prière fait découvrir. Dans le christianisme c’est une découverte essentielle. Jésus a dit : « Je ne suis pas venu pour les justes mais pour les pécheurs ». Tant qu’on se trouve juste, on n’a pas besoin de Dieu. Cette étape est très importante et parfois longue à faire. Parfois il faut passer par une épreuve, telle qu’une maladie, pour accepter de se découvrir pauvre et ayant besoin des autres. C’est une épreuve de vérité que de se voir limitée et de constater que je supporte beaucoup moins que ce que je ne le pensais la souffrance physique par exemple. Je suis comme les autres, je suis pauvre. C’est dans cette pauvreté-là que je fais une place à Dieu et que je me découvre sœur en n’étant pas meilleure que les autres. Le prophète Elie, la figure de référence du Carmel, disait bien longtemps avant Jésus-Christ : « Prends ma vie, Seigneur, car je ne suis pas meilleur que mes pères ! » Il venait de faire descendre le feu venu du ciel devant des centaines de témoins ; il avait contesté le reine Jézabel ; mais ce jour là, il fuit devant elle, il a faim, il a soif, il veut mourir.

Une communauté de pauvres, de pécheurs, de bancals

Finalement cette pauvreté est ce à quoi nous serons appelées à consentir toute notre vie. On parle d’échelle dans la vie « mystique », comme si on s’élevait de degré en degré. Thérèse prend une autre image : celle du château composé de plusieurs demeures avec au centre la plus importante où se trouve le Roi. Elle dit qu’on ne reste pas toujours au « cœur » et que l’on revient aussi souvent vers des demeures où notre péché nous apparaît. C’est dans une communauté de pauvres, de pécheurs, de bancals, que Dieu peut agir. Il n’agit pas en fonction de la sainteté additionnée de tous les membres, mais en fonction de la pauvreté de tous les membres ensemble. C’est cette faiblesse de tous qui devient une force. Une vie en communauté révèle des failles qui demeuraient cachées. Par exemple, une jeune femme qui a exercé – avant d’entrer au Carmel – de grosses responsabilités est tout étonnée de se découvrir jalouse de sœurs avec lesquelles elle vit. Elle n’aurait jamais pensé l’être ! ...

C’est une première étape que de se découvrir soi-même et de découvrir que la communauté est constituée de gens normaux, avec leurs limites. Dieu travaille avec cela. C’est en devenant conscient de sa propre pauvreté qu’on devient très libre, parce qu’on ne cherche plus tout le temps à être la première, à rivaliser. Quand on cesse de se comparer aux autres, on est libéré et on est heureux. La pauvreté intérieure pour nous consiste à se défaire de ce souci – par ailleurs normal – d’être reconnu. Si cela nous est donné, nous ne le refusons pas et nous en sommes très heureuses mais ce n’est plus prioritaire. Nous cherchons d’abord à aimer les autres et Dieu… qui d’ailleurs nous paraît beaucoup plus présent à partir du moment où nous sommes déprises du souci de nous-mêmes. Cette « dépossession » ne peut se faire qu’au bout d’un long chemin et elle est toujours à refaire. C’est l’objet même des écrits mystiques.

Pour écrire, les auteurs ont été obligés d’employer des images. Ils ont décrit un chemin, ou bien ont parlé d’une échelle (l’échelle de Jacob)  ; Thérèse parle d’un château. Jean de la Croix décrit « la montée du Carmel » où, au sommet « il n’y a rien » mais ce « rien » est « tout ». Il dit : « Si vous voulez savoir tout, ne cherchez à savoir quoi que ce soit de rien… si vous voulez posséder tout, ne cherchez à posséder quoi que ce soit de rien ». Ne rien vouloir posséder, ne rien vouloir savoir, ne rien vouloir goûter, ne rien vouloir comprendre est le moyen que proposent les mystiques pour avoir le cœur totalement libre pour accueillir le « tout » qui est Dieu. On ne commence pas par dire « rien, rien, rien » au noviciat. Il faut que chacune puisse prendre conscience toute seule que le reste est secondaire. Cela va assez vite pour ce qui est accessoire, mais pour ce qui est de l’ordre de l’affectif c’est très dur. D’accord on a choisi de ne pas se marier ni d’avoir d’enfants, mais l’affectivité – fort heureusement – demeure. Il faut apprendre à vivre le célibat sans reporter une possessivité sur les autres ou sur Dieu. Il faut faire l’expérience que Dieu se donne gratuitement à celui qui ne cherche pas à le posséder.

Le coeur totalement libre

Quant à la pauvreté matérielle, nous avons choisi une vie sobre. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes pauvres quand on est confronté à la réelle pauvreté de ceux qui sont au chômage, sans domicile fixe, dans l’impossibilité de nourrir leur famille ou faisant partie du Quart-Monde. Nous tentons de veiller à ne pas nous installer dans le confort sans pour autant vivre au Moyen-âge ! Cela fait l’objet d’une réflexion commune. Par exemple, nous avons décidé d’avoir internet mais qu’une seule sœur y ait accès ; nous n’avons pas de téléphone portable individuel. Pour celles qui entrent et ont passé leur vie connectées par mail ou téléphone, c’est un changement considérable. Nous nous sommes interrogées aussi sur l’opportunité d’avoir un écran pour regarder des DVD. Certaines étaient absolument contre, mais d’autres avaient vraiment besoin de cette possibilité de détente de l’esprit. Certaines sœurs ne sont jamais en contact avec les personnes que nous accueillons, certaines sont sourdes et ne peuvent même pas entendre les informations, etc. Il faut tenir compte de toutes.

Accepter les contraintes d’une vie commune, s’ajuster aux besoins légitimes de chacune, s’interroger sur l’opportunité d’intégrer telle technique nouvelle et se mettre d’accord sur les choix à faire est une réelle pauvreté. Cela peut paraître bien terre à terre mais cette sortie de soi pour rejoindre les autres sœurs fait partie pour nous d’une expérience mystique profondément incarnée dans l’histoire de chacune.

Vie mystique et institution

On peut s’étonner qu’une vie de liberté dans la dépossession de soi puisse être portée dans un cadre institutionnel comme celui des grands ordres monastiques. Il est vrai que ce cadre peut devenir routinier ou aliénant si on n’y demeure pas attentifs. Le meilleur peut facilement sombrer dans le pire. Nous avons la chance au Carmel de pouvoir exercer une sorte de vigilance et tenter de remédier aux pesanteurs. Chaque Carmel est autonome. Nous avons la possibilité de suggérer des changements. Par exemple, lorsque notre Carmel a déménagé de Chalon-sur-Saône (en ville) à Mazille où nous vivons en pleine campagne, nous avons repensé notre manière de vivre. Certes les constantes de la vie carmélitaine demeurent (ainsi les deux heures d’oraison silencieuses et la vie fraternelle). Mais nous avons décidé de supprimer la grille ; à l’église nous ne sommes pas séparées des autres chrétiens ; nous travaillons la terre et nous avons été conduites à ouvrir un accueil assez important. Quand ces changements ont été opérés, en gros au moment du concile, l’institution était un peu méfiante. Mais petit à petit elle a compris que ce que nous avions décidé était nécessaire. Il faut sans cesse s’ajuster et c’est d’ailleurs ce que Thérèse d’Avila a fait. Elle ne voulait pas refonder un ordre ancien mais le réformer, retrouver ses sources et sa jeunesse. A son époque il était exclu de mettre des sœurs seules en pleine campagne. Pour recréer l’espace du Carmel, elle a mis des murs, des voiles et des grilles. C’était la culture de son époque ; toutes les religieuses vivaient ainsi. Mais on peut tout à fait recréer cet espace de silence aujourd’hui sans mettre des grilles et des voiles qui non seulement n’ont plus de sens aujourd’hui mais peuvent même dire le contraire. Au XVIIème siècle, et encore au XIXème, pour les gens qui vivaient en chrétienté, les grilles pour les femmes signifiaient la consécration à Dieu, mais ce point est vraiment culturel.

Thérèse a communiqué des paroles venues de sa grande disponibilité intérieure à Dieu. Dans cette expérience mystique, Dieu lui dit sans cesse : «  Attention, choisis d’abord le bien de tes sœurs ! ». Il n’est pas certain que, pour Jean de la Croix ou pour Thérèse, la mystique ne soit pas en opposition avec l’institution quand cette dernière se réfère à elle-même, devient fermée ou se crispe sur le passé. Mais si une institution accepte que soit actualisé ce qu’elle transporte dans ses murs, si elle accepte d’être source de vie pour ceux de son temps, il n’y a plus conflit entre elle et la vie mystique. Des carmélites, après la mort de Thérèse et de Jean de la Croix, sont venues implanter le Carmel en France. Nous sommes dans leur lignée et nous continuons à nous référer à elles. Mais nous discernons ce qui est culturel et ce qui fait partie de l’esprit profond. L’institution en soi n’est pas mauvaise. Tout dépend de la manière de se situer vis-à-vis d’elle. Elle devient néfaste si elle bloque la vie dans une culture qui aujourd’hui n’est plus la nôtre. L’interface entre la communauté et l’institution, c’est la prieure. Elle est élue par la communauté pour une période déterminée. Normalement, on élit quelqu’un en qui on a confiance pour discerner le bien de la communauté. Mais il se peut qu’on élise une prieure avec qui, expérience faite, on ne se comprend pas bien. L’important c’est alors de préserver l’unité de la communauté, de souffrir en silence… et d’éviter de la réélire ! Il s’agit alors d’un combat spirituel à mener ensemble. Mais ici nous n’avons pas l’expérience d’avoir élu de prieure autoritaire qui n’écoute pas ce que disent les sœurs. Chez nous le combat de chaque jour n’est pas entre la prieure et la communauté, ni entre l’institution et la liberté de l’esprit, mais plutôt entre le «  moi » de chacune et la vie commune. Ce combat pour sortir de soi nous fait entrer dans la vie intérieure, au centre de ce « château » où, comme le dit Thérèse, règne le Roi. Mais c’est un combat chaque jour à recommencer !

La règle de l'Evangile

Le Carmel a une Règle qui vient de sa fondation au XIIème siècle, et des Constitutions qui précisent certains points de la vie courante, toujours adaptables. Nous avons décidé de nous soumettre à cette «  loi du Carmel ». Mais pour autant nous avons toujours à la relativiser car, disciples de Jésus-Christ, notre loi première demeure l’Evangile. L’Evangile n’est pas une suite de préceptes à observer. Jésus lui-même, et c’est le propre du christianisme, s’est insurgé contre cette observance de la Loi au pied de la lettre. Chaque fois il a déclaré que le plus important c’est le cœur. La règle du Carmel est très brève, faite presque exclusivement de citations bibliques. Elle donne un esprit. Elle dit qu’il y a un prieur au milieu de nous à qui on doit obéissance. Mais l’obéissance est un chemin de liberté intérieure : elle nous permet de ne pas être mues par nos propres impulsions et de soumettre notre « volonté propre » - qui n’est pas toujours bien orientée  - au jugement de quelqu’un qu’on a choisi et que l’on croit capable de remplir cette fonction.

Dans le christianisme personne ne pense jamais que c’est l’observance de points religieux qui sauve, nous pas davantage que les autres chrétiens. « Quel est le plus grand commandement ? Aimer Dieu et chacun  », dit l’Evangile. Cela peut prendre de multiples formes selon l’histoire des uns et des autres. La vie au Carmel est une forme particulière, mais si le cœur n’y est pas elle est profondément vaine. On peut très bien avoir une vie « exemplaire » selon la Règle et passer totalement à côté de la vie du Carmel. Le but de la mystique n’est-il pas la connaissance de Dieu ? Et, nous dit Saint Jean, « celui qui aime connaît Dieu  » (1 Jn 4, 7). Quand le cœur - l’amour - y est, la vie tout entière – celle des carmélites comme celle des autres chrétiens – devient « mystique ». Dès lors que l’amour est premier, ma « liberté » se finit là où commence celle de l’autre. Mais bien loin de me conduire dans la tristesse, je me réjouis de cette « contrainte » qui me pousse à sortir de moi pour désirer le bonheur de l’autre. Une vie mystique, selon nous, consiste à se laisser décentrer de soi pour en venir à trouver sa joie en l’Autre et dans les autres. Dans une vie de couple, par exemple, ne vit-on pas cette même expérience ?

Rencontre interreligieuses

Cette sortie de soi – cette « extase » se concrétise aussi pour nous, entre autres, par des journées interreligieuses que nous organisons tous les deux ans. Un secrétariat les prépare : il est composé de deux musulmans, un juif, un bouddhiste, un prêtre orthodoxe, un pasteur protestant, deux catholiques, une carmélite… De fortes relations d’amitié se sont nouées entre nous. Nous choisissons ensemble les thèmes sur lesquels on échangera, par la suite, dans un groupe plus large. Ce groupe est composé de personnes engagées dans le dialogue interreligieux du département de Saône-et-Loire. Nous avons eu, par exemple, une rencontre où chacun exprimait sa propre manière de prier. A notre dernière « journée » du département nous en sommes venus à prier côte à côte. Alors que, aux cours des rencontres antérieures, nous nous séparions pour prier chacun dans sa tradition, la dernière fois nous avons prié en présence des autres, en témoins respectueux et recueillis. C’était extraordinaire. Nous en rendons grâce à Dieu !

D’après une interview avec des carmélites de Mazille


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