L'islam et le pardon
Mustapha Cherif
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Aux sources de la civilisation, les musulmans découvrent la miséricorde de Dieu et son appel à pardonner.


L’enseignement du Coran

« Implorez le pardon de Dieu, car Dieu est toute bonté et toute clémence ! » (Coran 73- 20)

Dieu et le Prophète invitent à pratiquer le pardon et à demander pardon à Dieu. L’ordre est clair et majeur. Les sourates, chapitres, du livre saint le Coran, commencent par « Au nom de Dieu, le Miséricordieux, le Tout miséricordieux ». Parmi les beaux noms de Dieu, Le Pardonneur, le Longanime, le Clément, l’Indulgent, le Repentant, le Miséricordieux, Celui qui fait miséricorde et pardonne.

Il aime pardonner et aime les repentis sincères et les pardonneurs. Sa miséricorde est infinie : « Célèbre alors les louanges de ton Seigneur et implore Son pardon, car Il est toute mansuétude et toute compassion ! » (Coran, 110.3)

Le pardon, dans toutes ses dimensions, est cité plus d’une centaine de fois dans le Coran. L’islam prône le pardon, notamment à titre individuel. Il faut apprendre à pardonner pour s’élever.

Le Coran précise que l’acte du pardon est préférable et supérieur à celui qui demande réparation : « Si vous devez exercer des représailles, que cela soit à la mesure de l’offense subie, mais si vous pardonnez, cela vaudra mieux pour ceux qui sont capables de se dominer. » (16.126.) Il condamne toute idée de surenchère, de vengeance et de ressentiment.

Il loue et vante les qualités et vertus qui fortifient le sens du pardon, comme la patience, la justice et l’équité : « Seuls ceux qui patientent et pratiquent de bonnes œuvres obtiendront pardon et belle récompense. » (11.11). Dieu aime les vertueux, les patients et les hommes de paix, qui font l’effort de pardonner « l’impardonnable ».

Pardon, piété et justice sont étroitement liées : « Vous qui croyez, assumez l’équité (observez la stricte vérité) témoignez de Dieu, fût-ce contre vous-mêmes, vos parents ou vos proches, qu’il s’agisse d’un riche ou d’un indigent, dans l’un comme dans l’autre cas, Dieu doit avoir la priorité. Ne suivez pas la passion plutôt que la justice. (Ne vous fiez pas à vos impulsions au détriment de l’équité.) Si vous portez un faux témoignage ou si vous refusez de témoigner, sachez que Dieu est informé de vos agissements » (4.135).

L’expérience de l’islam

À travers l’histoire, le monde de l’islam, sans utopie, se voulait celui du pardon et de la justice, symbole concret de la noble signification du vivre ensemble. Même si des écarts entre théorie et pratique sont visibles et injustifiables, il faut en rechercher la cause, qui a peu à voir avec la foi, malgré l’usurpation du nom.

Le concept de pardon implique qu’il n’y a pas de méfiance irréductible à l’égard d’autrui, des pécheurs et des « hors islam ». Ceux qui sont fautifs, ou hors de la communauté, ne sont pas hors de l’humanité. Il n’y a ni exclusion, ni exclusivité : « Nous sommes la communauté du juste milieu et nous disons que nous pardonnons à ces gens. » (60, 8)

La méthode consiste à participer de manière commune et publique à la recherche de la paix et de l’équilibre. Religion et monde, communauté médiane, la religion musulmane est préoccupée par les problématiques du lien étroit entre le sens du pardon et celui de la justice.

Aucun peuple ne pardonne lorsqu’il est agressé, la légitime défense est admise  ; en dernier recours, le peuple doit résister et se défendre, pour assurer sa survie, ne pas favoriser le rapport du loup et de l’agneau, ni permettre que la violence ne dégénère, tout en respectant le droit humanitaire, la liberté de conscience et la dignité humaine. Tout peuple musulman doit s’inscrire dans l’horizon de la contre-violence, de la réconciliation et du pardon, pour favoriser la concorde et la paix. La pratique du Prophète était un signe fort : « Dis-leur : «Si vous aimez Dieu réellement, suivez-moi et Dieu vous aimera et vous pardonnera vos péchés. Dieu est Indulgent et Miséricordieux.» (3.31). Lors de la libération de la Mecque, en toute puissance, geste historique fort, le Prophète pardonna à tous ses ennemis et adversaires.

Un appel à la miséricorde

Le Coran fonde l’existence sur le pardon responsable et ne néglige aucun des aspects de l’humanité. Il se définit comme une Parole qui appelle à la miséricorde et a pour but d’aider dans la mise à l’épreuve, pour réaliser les liens humains, à les vivre de manière juste : « Votre Seigneur est Celui qui connaît le mieux le fond de vos cœurs. Si vous êtes justes, sachez qu’Il pardonne toujours aux repentants sincères. » (17.25)

En Islam, la miséricorde est centrale. La lecture idéologique de la religion et son instrumentalisation, par des courants « radicaux » de la haine sont le contraire de l’islam du pardon, de la communauté fraternelle. La recherche du bien commun pour toute l’humanité est un principe musulman fondamental, selon une parole du Prophète : « Le plus aimé de Dieu est le plus utile à Ses créatures.  » (Bokhari, Muslim)

Un appel à se dépasser

Le Coran laisse ouverts des espaces où la responsabilité du musulman pour pardonner peut et doit s’affirmer. Chacun de nous doit faire son examen de conscience : « Dieu a promis à ceux qui croient et font de bonnes œuvres qu’il y aura pour eux un pardon et une énorme récompense  » (2-9).

Créature privilégiée, libre, douée de raison et du cœur, représentant de « Dieu » sur terre, l’humain doit assumer ses responsabilités de manière raisonnable, en vue de l’équilibre et du bien commun. La foi musulmane ne vient pas imposer d’endurer l’injustice, la misère ou l’oppression, mais elle appelle à patienter, à se dépasser et à pardonner.

Elle donne des repères éthiques pour affronter l’adversité: « La bonne action et la mauvaise ne sont pas pareilles. Repousse le mal par ce qui est meilleur; (le pardon) et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux » (41.34).

Dans ce sens, le Prophète recommandait de rendre le bien pour le mal. La ligne musulmane offre une vision totale et juste du lien : la relation verticale de « Dieu » à l’Homme et de l’Homme à « Dieu », et la relation horizontale de l’Homme à son prochain : « Le pardon de Dieu est acquis à ceux qui font le mal par ignorance et qui, par la suite, se repentent et s’amendent, car ton Seigneur est Plein de clémence et d’indulgence. » (16.119)

Maîtriser ses passions pour pardonner

La reconnaissance de la dignité de tout Homme, de l’égalité en droit de tous les humains et de leur finitude est à la base de l’éthique musulmane du pardon. L’islam appelle à maîtriser notre égo, nos passions et à respecter une éthique de vie : « Ne suis pas ta passion, car elle te détournerait du chemin de Dieu » (38.26)

De la conduite ici-bas, envers autrui, ce qui est décisif, dépendra le bonheur sur terre et la place de chacun dans l’au-delà. La voie juste tient compte des attentes des croyants ici et maintenant. De ce fait, elle ne se limite pas à des promesses pour l’au-delà. Elle propose des réponses pour ici bas. De la récolte terrestre dépend celle de l’au-delà : « Que vous fassiez le bien publiquement ou secrètement, ou que vous pardonniez le mal, sachez que Dieu est Absoluteur et Omnipotent. » (4.149)

Le meilleur des musulmans est le plus pieux, (qui se prémunit), le plus juste, qui réfléchit, refuse la démesure, résiste intelligemment aux agressions, respecte la dignité humaine, pardonne et est utile à l’humanité  : «  Dieu ordonne la justice, le bel-agir, la libéralité envers les proches ; Il proscrit la turpitude, le blâmable, la démesure ; Il vous exhorte, en attendant de vous que vous méditiez » (5.90).

Nul être est parfait ou absous de fautes, ni n’est supérieur à un autre, si ce n’est par la piété et le savoir. Adorer « Dieu » implique de l’humilité, des repères clairs ainsi que des droits et des devoirs humains. Le «  faire  » doit suivre le « dire ». L’existence a du sens et de la gravité, mais reste éphémère.

La patience est la plus grande des vertus du croyant qui secrète le pardon. L’islam est médian sur ces bases : « Voici, dans sa rectitude, le chemin de ton seigneur » (6.126), voie ouverte, universelle et commune, pour maîtriser les passions et s’élever.

Le pardon facteur de civilisation

Le concept de pardon, a produit de la civilisation. Il définit l’humain comme capable de pardonner, Adam pardonné par son Seigneur, honoré et digne. Les pieux, fidèles à la ligne de la miséricorde, sont ceux qui donnent priorité au pardon et à la vie de l’au-delà, sans tourner le dos au monde ici bas et à la juste et légitime défense.

Le Coran précise : « la vie dernière est meilleure pour toi qu’ici bas », (93.4), et en même temps il ajoute : « N’oublie pas ta part en ce bas monde » (28.77).

Maîtriser ses passions et pardonner c’est aussi ni désespérer ou se laisser saisir par la frayeur et l’épouvante face aux douleurs et souffrances auxquelles nous expose la vie, ni se laisser fasciner et aveugler par le monde : « Ne craignez rien, et ne vous affligez pas. Réjouissez-vous du Paradis qui vous a été promis  » (41.30).

le pardon est de l’ordre de la sagesse et de la modération, une voie qui ne sacrifie pas la primauté de la valeur de justice. Le Message coranique non seulement ne récuse pas le pardon mais le situe au un niveau bénéfique du respect d’autrui, dont seul Dieu est juge : « Le fait qu’ils soient coupables ne te permet pas de décider de leur sort. C’est à Dieu seul qu’il appartient de leur pardonner ou de les punir, » (3.128.)

La miséricorde divine

Le Coran et le Prophète appellent les musulmans à donner l’exemple par la voie du pardon, qui n’exclut pas de garder vivantes la mémoire et la vigilance, et invitent toutes les nations à s’élever, à une humanité qui nous est commune.

La Parole révélée s’adresse à tous les Hommes, pour les aider à faire partie de la communauté juste et paisible, afin de corriger leurs excès et de trouver leur centre et équilibre par la miséricorde : « Dis : Ô Mes serviteurs qui avez commis des excès à votre propre détriment, ne désespérez point de la Miséricorde divine ! » (39.53).

Mustapha Cherif, philosophe,
auteur notamment de L’Émir Abdelkader, apôtre de la fraternité,
édition Odile Jacob, Paris 2016

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